mercredi 20 mai 2009

Luttes urbaines et changement social (Première partie)

Une série printanière sur Voix de faits


Luttes urbaines et changement social
Déjà paru:
Les vieux quartiers populaires sont devenus des terrains de lutte de classe importants. Sous couvert de revitalisation et pour répondre aux besoins de la dictature automobile, on démolit, construit et défigure à tour de bras. Face aux bourgeois, grands ou petits, et à l’État, des gens se lèvent et la résistance s’organise en comités de citoyen-ne-s et groupes populaires. Droit au logement, services et médias communautaires, aménagement urbain, revendications locales, les habitant-e-s des quartiers veulent avoir leur mot à dire et maîtriser leur environnement immédiat. Pour qui ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis, c’est l’une des rares expressions contemporaines d’antagonisme socio-politique et, n’ayons pas peur des mots, de conscience de classe (au moins potentiellement). Voilà qui est précieux pour ceux et celles qui veulent changer le monde.

La place de la ville dans la lutte de classes


Aujourd'hui, la majorité de la population vit en ville. La ville est plus qu'un amoncellement d'êtres humains qui vivent les uns sur les autres. C'est un cadre de vie organisé... par d'autres, en vue du bon fonctionnement de la société capitaliste. Le but de l'aménagement urbain est que «tout se passe pour le mieux», que chaque chose soit à sa place (habitation ici, travail là, consommation là bas, etc) et que les gens et les marchandises circulent bien. Tout est orienté en fonction du développement économique.

Il s'agit d'une rationalité qui ne fait aucune concession aux êtres humains qui habitent la ville --tant pis s'ils et elles doivent consacrer plusieurs heures par jours à leurs déplacements-- et qui s'oppose à ce qui a constitué historiquement... l'urbanité. En effet, une ville est un lieu où se concentrent et se mêlent la plupart des activités humaines : habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture. L'idée même de ville implique une mixité (de fonctions, de populations) mais l'aménagement urbain moderne en a peur parce que l'urbanité a historiquement favorisé la révolte et l'autonomie populaire.

Pourtant, dans un contexte d'atomisation des collectifs de travail --on est loin de «l'ouvrier masse» des années 1970-- la ville offre des concentrations humaines stables (que ce soit au repos, dans les loisirs ou encore en transit) et donc des possibilités de créer du lien social. Le milieu de vie offre aujourd'hui un potentiel aussi grand que le milieu de travail pour favoriser l'émergence d'un nouvel antagonisme de classe. Dans la lutte, les habitant-es redeviennent un sujet. C'est en tout cas ce que tendent à démontrer la réapparition de luttes urbaines de grande ampleur aux quatre coins de la province (jusque dans les banlieues de Québec, faut le faire!).

Aujourd'hui, le monde est devenu une usine globale. Les composantes d'une marchandise peuvent faire plusieurs fois le tour du monde avant d'être finalement assemblées. Le procédé de production est constamment en déplacement ce qui multiplie les possibilités de perturbations économiques. Autrefois, les anarcho-syndicalistes disaient que si les salarié-es croisaient les bras, l'économie s'arrêterait. Les piqueteros argentins nous ont montré qu'en bloquant les routes, on obtenait le même résultat.

La ville demeure un lieu de pouvoir et son aménagement un enjeu sujet à des rapports de force. L'intérêt des élites s'oppose à celui des habitant-es. Les unes travaillent à un fonctionnement aussi fluide que possible de l'économie, les autres recherchent la qualité de vie, la convivialité et la paix (la sainte paix!). Tout concours à isoler les habitant-es les uns des autres mais lorsque leur bulle est finalement crevée, la colère peut réveiller de vieux démons et provoquer révoltes populaires et luttes de classes.


Nicolas Phébus, 20 mai 2009


Mise en garde: Nicolas Phébus est l'un de ces anarchistes qui travaille dans un groupe populaire... et qui y croit! Il est aussi membre de l'UCL.

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