samedi 12 mars 2011

Pourquoi il faut à tout prix sauver CKIA

Tout va très bien merci dans le milieu médiatique madame la marquise. Les employés du Soleil sont forcés d'accepter une baisse de leurs conditions de travail, Quebecor piétine ses employés en bafouant allègrement le code du travail sous le regard attendrit du gouvernement et Radio-canne est forcé de se rouler dans la fange publicitaire pour compenser les baisses récurrentes de son financement public. En marge de tout ça, une modeste radio communautaire de Québec, CKIA, est dans sa phase terminale.

La situation est préoccupante pour plusieurs raisons.

1- La perte d'un média coïncide toujours avec une baisse dans la participation démocratique. Un citoyen bien informé est un citoyen critique.

2- Dans un milieu étouffé par la pensée unique envenimée par la convergence, une radio communautaire est un espace ouvert à la subversion. Place aux opinions marginalisées et aux sons biscornus.

3- C'est l'espace accessible aux sans voix. À CKIA particulièrement, les minorités (gais, handicapés, immigrés) peuvent accéder à l'espace public.

4- A cause de son mode de propriété (organisme sans but lucratif (OBNL)), la radio n'est pas sujette aux conflits d'intérêts au même titre que les médias commerciaux qui sont totalement dépendants des entreprises privées pour leur financement. C'est pour ça qu'on appelle ça un média indépendant. Un article publié dans Alternatives.ca démontrait d'ailleurs que la structure de propriété d'une radio influençait son orientation politique.

5- C'est une institution d'éducation. Des tas de gens passent à la station, développent leur intérêt pour l'audio et se découvrent des talents en animation, mise en onde, montage, mixage, reportage etc. Je n'ai jamais rencontré un bénévole qui n'ait été grandit, d'une façon ou d'une autre, par son passage dans une radio communautaire. 

Une histoire en dent de scie
CKIA  a connu son lot de bad-luck. Il y a quelques années, un employé mécontent qui s'était fait mettre à pied à poursuivit la station. La station a été handicapée par la dette engendrée par les frais de la "justice". Aussi, en 2003, une bande de freaks post-marxiste-new-age tentent un putsh à la station (le CMAQ conserve les précieuses images). Encore une fois, des frais d'avocat furent indument dilapidés. Et ça, bien malgré la direction! Des mauvaises passes, CKIA en a vu d'autres.

C'est donc difficile d'attribuer la chute de la station à qui que ce soit. D'ailleurs, ce n'est pas le moment. C'est l'heure d'être solidaire d'une institution qui existe depuis plus de 25 ans dans le quartier St-Jean Baptiste. C'est l'heure d'affirmer que nous souhaitons une alternative à la médiocrité de la radio commerciale de Québec. C'est l'heure de crier son attachement à un média populaire et citoyen.  

Une radio communautaire, c'est un média perpétuellement jeune. En mode exploratoire. En construction. D'ailleurs Pierre-Louis Smith du CRTC s'exprimait ainsi dans un article de Rue Frontenac récemment au sujet de CISM, une radio indépendante de Montréal.
"Je l’écoute encore. Il y a des choses que j’aime, d’autres moins. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est que je découvre toujours de nouvelles choses, que ce soit des chansons ou encore des approches différentes de faire de la radio. C’est formidable, une radio qui n’est pas assujettie aux contraintes des radios commerciales!"
Anticapitaliste?
La radio communautaire met de l'avant des valeurs complètement différentes des radios commerciales (propreté, mimétisme, beauté de pacotille, facilité, gueulage et bêtise). Elle s'oppose aux standards du marché. Il faut faire un effort. Être ouvert d'esprit. Être curieux. En étant attentif, vous y trouverez, peut-être, un trésor. Ce sont des valeurs incompatibles avec les principes de base du commerce. 

D'accord, CKIA est loin d'être une radio parfaite. On pourrait pointer du doigt plusieurs de ses travers. Mais il n'en tient qu'à nous de faire en sorte qu'elle s'améliore. C'est d'ailleurs une volonté qui a été exprimée dans les rencontres du comité de survie: si CKIA s'en tire, il n'est pas question d'en rester au statut-quo. La radio doit s'adapter à ce que désire la communauté.

Pour finir, je vous laisse avec les mots de Bryan St-Louis, président du CA, qui s'est exprimé ainsi dans l'Infobourg
"La question plus fondamentale est la suivante : comment finance-t-on une radio communautaire en milieu urbain quand son auditoire est limité, qu’elle intéresse conséquemment peu les annonceurs et les commanditaires et que le marché est compétitif ? Comment peut-on arriver à réaliser un meilleur produit lorsque le financement de base du Ministère est minime et que, plutôt que de travailler sur le contenu, les employés passent leur temps à chercher des sources de revenus ? Comment la radio communautaire peut arriver à répondre à sa mission dans ces conditions ? CKIA a une mission unique à Québec et pourrait être une source d’information différente, intéressante et essentielle. Tout le monde (le Ministère, la Ville, les partenaires, etc.) dit qu’il ne veut pas voir CKIA disparaitre, mais CKIA a besoin d’un minimum pour survivre. Il faudrait une réflexion plus large puisque CKIA n’est pas la seule station communautaire victime de cette logique. La question demeure donc : Si les radios communautaires sont à ce point essentielles, comment les faire survivre ?"

Voila pourquoi il est important de supporter CKIA.

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