lundi 19 mars 2012

À propos du droit de grève et du syndicalisme étudiant...

Extrait de la collection Mouvement Étudiant 1968-2012. Photo : André Querry
Une note intéressante qui circule actuellement sur Facebook...
Le 16 mars dernier, Le Soleil publiait sous la plume de Michel Corbeil un texte nous informant qu’un étudiant de l’Université Laval comptait poursuivre une association étudiante parce que la grève le privait de ses cours. Voici l'approche client poussé à sa logique ultime! Au moins, l'étudiant en question n'essaie pas d'enrober son discours de grands principes philosophiques : «Je n'ai pas d'animosité là-dedans, a-t-il précisé. C'est purement business. Je suis un capitaliste et je m'assume. Je suis facturé pour un service que je ne reçois pas.»

Contrairement à ce qu’il dit, les associations ne sont pas de simples OSBL. Elles tombent aussi sous le coup de la «Loi sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou d'étudiants» (la fameuse loi 32). Bien qu'elle ne parle évidemment pas du droit de grève, cette loi donne des pouvoirs quasi-syndicaux (ou en tout cas fortement inspiré de l'expérience syndicale) aux associations étudiantes.

Ainsi, certains votes des associations étudiantes lient les membres et sont de nature «syndicale». À partir du moment où une association est accréditée (suivant un vote de 50%+1 des étudiants concernés), tous les étudiants en deviennent automatiquement membres et l'assemblée générale peut fixer une cotisation automatique et obligatoire prélevée à la source (via les frais d'inscriptions à l'école). De plus, dès qu'une association est accréditée, l'administration du campus doit obligatoirement la reconnaitre comme seule représentante des étudiants, lui fournir des locaux et des babillards ainsi qu'une liste des étudiants avec leurs coordonnées. On reconnait clairement ici le modèle syndical ("closed shop", monopole de représentation, formule rand, etc.). Finalement, les élus des associations étudiantes, notamment des fédérations et des regroupements nationaux ont le droit à quelque chose qui s'apparente à des «libérations syndicales» sous forme de bourses de subsistance [je connais moins cet aspect parce que dans les associations où j'ai milité, on refusait d'être «acheté»]. Pas surprenant que dans ce contexte les associations étudiantes aient toujours revendiqué le droit de grève et fonctionné sur un mode syndical.

Notons que cette conception du «syndicalisme étudiant» n’est pas propre au Québec. À l'origine de cette idée, il y a la Charte de Grenoble (1946) qui défini l'étudiant comme «un jeune travailleur intellectuel». De l'UGEQ à l'ASSÉ en passant par l'ANEEQ, toutes les organisations étudiantes combattives du Québec se sont revendiquées de cette tradition inaugurée par l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et reprise un peu partout par le mouvement étudiant international.

Un ancien militant étudiant

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